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Réflexion défense et relations internationales

L’actualisation de la LPM 2014-2019 peut-elle améliorer la fidélisation et le recrutement des réservistes ?

30 Juin 2015 , Rédigé par Pierre-Yves LEGER Publié dans #Politique de défense

L’actualisation de la LPM 2014-2019 peut-elle améliorer la fidélisation et le recrutement des réservistes ?

Les attentats du 11 janvier ont eu le mérite, si ce n’est de mettre la lumière sur les difficultés que rencontrent les armées françaises, de mettre en avant les réservistes et leur importance au sein des armées françaises. Durant le plus fort de l’Opération Sentinelle, ils sont plus de 300 réservistes à avoir répondu présent pour renforcer le dispositif Vigipirate en place.

L’actualisation de la LPM 2014-2019, dans son esprit, doit tenir compte de la prise de conscience des politiques quant à l’importance de disposer d’une réserve militaire qualifiée et employable selon les nécessités des armées. Quant est-il réellement ? Les mesures prises vont-elles réellement permettre à la réserve d’atteindre les 40.000 réservistes, objectif fixé depuis la LPM 2009-2014 ?

La LPM 2014-2019 dans sa version d’origine

C’est l’article 2.11.1 de la Loi de Programmation Militaire 2014-2019 (loi n°2013-1168 du 18 décembre 2013) qui présente la réserve opérationnelle. Malheureusement la question du recrutement et de la fidélisation des réservistes ne trouve pas réellement sa place ici.

S’il est reconnu que « La réserve opérationnelle est indispensable aux forces armées », le texte se contente de rappeler quelques points du Livre blanc. Ainsi il est fait état de la nécessité d’optimiser les capacités de la réserve en améliorant la cohérence entre le niveau de formation et d’entrainement, les besoins opérationnels et la durée des engagements. Pour cela il est prévu d’attirer des personnes pouvant servir vingt jours par an, durant plusieurs années et tout cela devrait améliorer la fidélisation des réservistes. Penser que la fidélisation des réservistes passe par le temps d’activité dans la réserve est une erreur surtout si ce levier de fidélisation est le seul à être mit en œuvre. En effet l’engagement des réservistes dans leur carrière militaire est souvent bloqué du fait de la difficulté à concilier la vie civile, la vie professionnelle et la vie militaire. Au regard des différentes études qui existent, une part importe des réservistes usent de leurs congés et week-end pour accomplir leur période de réserve. En 2013 le Contre-amiral Antoine de Roquefeuil estimait que près de 60% des réservistes n’informaient pas leur employeur quant à leur activité dans la réserve et plus récemment le Général Destremeau employait le terme de « réservistes clandestins »[1] pour désigner tous ces réservistes qui usent de leur temps de repos au profit de la réserve. Augmenter l’activité des réservistes n’est donc pas nécessairement un moyen pour fidéliser les réservistes même s’il apparait qu’une hausse de leur activité peut encourager certains à demeurer plus longtemps dans la réserve[2]. Une hausse de l’activité doit s’accompagner d’une facilité de départ pour les réservistes, ce que ne prévoit pas la LPM 2014-2019 dans sa version originelle.

S’agissant du recrutement, la LPM 2014-2019 prévoit un élargissement du recrutement en favorisant l’intégration des réservistes issus de la société civile. Il s’agit là, plus que d’une piste pour améliorer le recrutement, d’une véritable nécessité pour que la réserve continue de vivre. La loi de 1999[3] structurant la réserve telle qu’elle existe aujourd’hui a justement été faite dans le but de l’ouvrir à la société civile. A cet égard la LPM 2014-2019 ne fait donc que réaffirmer une chose qui existe déjà depuis seize années maintenant. L’on peut ainsi reprocher à la LPM de ne pas mettre plus l’accent sur l’amélioration de la visibilité et de la connaissance de la réserve qui sont deux éléments contribuant à la renommée de la réserve. Une réserve méconnue du grand public et donc de la société civile ne recrutera pas[4].

En somme la LPM 2014-2019 négligeait une fois de plus la réserve opérationnelle. Dans son volet fidélisation elle ne mettait en avant qu’un seul levier faisant fie des difficultés que cela pouvait entrainer. Quant au volet recrutement, le législateur aurait mieux fait de ne rien évoquer plutôt que de rappeler une banalité traduisant une méconnaissance de la loi de 1999 modifiée par celle de 2006[5] sur l’organisation de la réserve militaire en France.

Que prévoit l’actualisation de la LPM 2014-2019 ?

L’actualisation de la LPM 2014-2019, votée tout récemment, vient modifier le cap d’évolution de la réserve opérationnelle et ce, plutôt dans le bon sens même si une seule mesure semble pouvoir réellement impactée la fidélisation des réservistes.

Sur le plan du recrutement, l’actualisation réaffirme la volonté d’un élargissement au profit des volontaires de la société civile. L’on peut donc dire que dans ce domaine, rien de nouveau avec cette actualisation. La volonté affichée d’attirer et de conserver en priorité des femmes et des hommes disposés à servir au minimum trente jours par an pendant au moins trois ans et, dans certains cas, jusqu’à deux cent dix jours ne sera possible que si la fidélisation est améliorée et l’attractivité développée.


S’agissant du volet fidélisation, l’actualisation ne prévoit pas non plus une grande amélioration et n’évoque pas la nécessite de réduire les contraintes pesant sur les réservistes. L’on trouve cependant une mesure pouvant influencer la fidélisation des réservistes. Actuellement les réservistes peuvent s’absenter de leur travail durant 5 jours sans que leur employeur puisse leur opposer un refus. L’actualisation de la LPM entend passer de 5 à 10 jours cette possibilité d’absence. Cette mesure, même si elle n’apparait pas comme fondamentale, est cependant importante pour fidéliser les réservistes. En effet, en permettant aux réservistes de prendre plus de jours de réserve sur leur temps de travail ces derniers ne seront plus obligé de sacrifier leurs congés et week-ends qui seront ainsi à disposition de leur vie familiale. La famille ne s’estimant plus lésée sera peut être moins critique à l’égard des activités de réserve ce qui facilitera la vie familiale du réserviste qui ne remettre plus nécessairement en cause son engagement de réserviste pour conserver du temps avec sa famille.

Là est tout l’enjeu de la fidélisation des réservistes. Si l’on veut réduire les contraintes qui pèsent sur la vie familiale du réserviste il faut réduire les contraintes pesant sur la vie professionnelle. Faciliter le départ du réserviste sur son temps de travail, lui garantir une rémunération égale à celle qu’il a dans le civil, facilité l’insertion des réservistes dans le monde du travail sont autant de pistes à exploiter pour fidéliser les réservistes. Cette réduction des contraintes familiales par la réduction des contraintes professionnelles est d’autant plus nécessaire si la réserve veut effectivement, comme le prévoit l’actualisation de la LPM 2014-2019, attirer et conserver en priorité des femmes et des hommes disposés à servir au minimum trente jours par an pendant au moins trois ans et, dans certains cas, jusqu’à deux cent dix jours. Il ne sera pas possible de faire servir entre 30 et 210 jours des personnels si les contraintes pesant sur leurs vies familiales et professionnelles sont trop lourdes.

Pour autant il convient d’effectuer toutes les modifications portant sur la vie professionnelle du réserviste avec prudence, modération et discussion. Il est nécessaire que l’engagement d’un réserviste ne représente pas non plus un poids trop important pour une entreprise auquel cas cette dernière pourrait être amenée à ne pas vouloir embaucher de réserviste ce qui irait donc à l’inverse des effets souhaités par les partenariats industries-défenses.

[1] Commission de la défense nationale et des forces armées, Assemblée Nationale, Audition du général Patrick Destremau, adjoint au sous-chef d’état-major performance de l’état-major des armées, délégué interarmées aux réserves, 11 Mars 2015.

[2] Voir étude Votre engagement dans la réserve, SGA, 2012

[3] Loi n°99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.

[4] EN 2010 seul 43% des Français connaissaient la réserve et encore, la plus part d’entre eux la connaissaient dans sa version ancienne c’est-à-dire comme un réservoir d’hommes mobilisables en cas de conflit.

[5] Loi n°2006-449 du 18 avril 2006 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.

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