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Réflexion défense et relations internationales

Le concept de résilience dans les relations internationales ou comment un système social ou un Etat s’adapte face aux crises qu’il rencontre

21 Avril 2015 , Rédigé par Pierre-Yves LEGER Publié dans #Théorie

Le concept de résilience dans les relations internationales ou comment un système social ou un Etat s’adapte face aux crises qu’il rencontre

Si évoquer l’adaptabilité d’une société, d’un système et plus généralement d’un Etat face à des perturbations d’ordre interne ou externe, naturelles ou humaines, est une chose, il convient néanmoins, en prélude, de revenir sur le concept même de résilience qui va faire l’objet de cet article. Ce retour sur le concept de résilience s’avère nécessaire puisque, de nature polysémique, il convient d’en définir précisément les contours, définition qui doit tenir compte de l’objet d’étude. Ainsi le concept de résilience ne s’appliquera pas nécessairement de la même manière, n’aura pas les mêmes implications et outils, selon que l’on étudie un écosystème, une entreprise, une société humaine ou un individu.

Les origines du concept de résilience

Le terme même de résilience vient du latin Resilio qui signifie rebondir, ainsi est résilient l’objet capable de résister et de trouver un nouveau souffle après un choc.

C’est dans le domaine de la physique qu’est apparu le concept de résilience, domaine dans lequel il désigne la capacité d’un métal à reprendre sa forme initiale après une déformation dû à un choc ou à une pression continue. Néanmoins c’est dans le domaine – et grâce au domaine – de la psychologie que la résilience va connaitre son essor et donc son succès. C’est en psychologie que le terme de résilience se rapproche le plus de son sens latin car il désigne la capacité d’un individu à rebondir après un drame ou un choc traumatisant ce qui sous-tend ici l’idée de force psychique, mentale et morale.

Par la suite le concept de résilience va s’étendre et peu à peu s’appliquer à l’écologie avec l’idée qu’est résilient, l’écosystème capable de retrouver un mode de fonctionnement normal après une catastrophe naturelle ; à l’économie avec l’étude des capacités d’une entreprise et d’une société (dans le sens de société humaine et organisée) à faire face à un choc économique tel l’effondrement des marchés financiers (Krach de 1929 par exemple) ; au domaine de la défense avec la mise en avant des capacités d’un Etat et d’une nation à surmonter un choc militaire (qui ne serait pas nécessairement une défaite) ou une catastrophe naturelle. En somme la résilience aujourd’hui concerne tous les domaines mais trouve surtout un important écho dans les discours politiques et dans les documents officiels relatifs à la lutte anti-terroriste et à la sécurité des sociétés en générale. Dans ces derniers cas la résilience est surtout relative à la volonté de continuer à vivre ensemble.

La résilience appliquée à la sécurité nationale

Dans cette étude, qui se veut brève et synthétique, du concept de résilience nous allons nous placer selon l’approche purement française. Si l’approche anglo-saxonne considère essentiellement la résilience dans le cadre de la lutte anti-terroriste et de la contre-insurrection avec l’adoption de la notion de surprise stratégique, l’approche française inscrit la résilience dans le cadre du concept de sécurité nationale, introduit par le Livre blanc de 2008, cadre qui se veut beaucoup plus large que le cadre anglo-saxon. Ainsi, si dans la conception anglo-saxonne la résilience désigne la capacité d’un pays à se redresser après une surprise stratégique qui prend la forme d’une « agression » touchant les domaines militaire, économique, informatique ou énergétique, la conception française tend à définir la résilience « comme la volonté et la capacité d’un pays, de la société et des pouvoirs publics à résister aux conséquences d’une agression ou d’une catastrophe majeures, puis à rétablir rapidement leur capacité de fonctionner normalement, ou à tout le moins dans un mode socialement acceptable. »[1]. Par ailleurs, inscrivant la résilience dans le cadre de la sécurité nationale qui concerne tous les domaines d’une société (économique, écologique, informatique, militaire, etc.). Le Livre blanc de 2008 a entendu donner une dimension globale au concept de résilience à la française.

Le développement de la résilience

Pour qu’une nation, un Etat et plus généralement un système social soit résilient c’est-à-dire qu’il puisse s’adapter à des perturbations internes et externes, naturelles ou humaines, il faut que soit mise en place une stratégie de résilience. Dès lors se pose la question de ce qui conditionne l’adaptabilité d’un système social ? Qu’est-ce qui permet à un système social de se remettre plus ou moins facilement d’une perturbation plus ou moins importante ?

André Dauphiné et Damienne Provilo, dans leur article La résilience pour un concept de gestion des risques[2], ont souligné le fait que, quelque soit le domaine d’application de la résilience, aucune étude n’a, à ce jour, identifié tous les facteurs qui influent la résilience d’un système. Néanmoins trois facteurs ont été identifiés comme améliorant la résilience d’une société à savoir la diversité, la capacité d’auto-organisation du système et l’apprentissage. Ainsi, un système disposant d’une multiplicité de valeurs et d’acteurs, disposant d’une capacité d’auto-organisation[3] et d’un dispositif d’apprentissage (dans le sens d’une capacité d’apprendre des accidents passés pour s’adapter au futur) sera nécessairement plus résiliente. A l’inverse, une société hostile à l’innovation et à l’apprentissage, concentrant la prise de décision en un seul acteur entravant la prise d’initiative, serait, de fait, moins résiliente.

Pour autant, identifier ce qui améliore la résilience d’une société reste insuffisante. Faut-il encore pouvoir élaborer une stratégie de résilience valable car c’est au travers de cette stratégie que se construira la capacité de résilience d’une société. La question fondamentale qui se pose ici est la suivante : la résilience doit-elle avoir pour objectif l’amélioration la résistance d’une société, ou doit-elle améliorer les capacités d’une société à se redresser ? Dans le premier cas, la résilience est entendue comme la capacité d’une société à résister face à l’aléa que représente le choc. Il en va ainsi, par exemple, de la construction des digues ou des barrages pour éviter les inondations. Dans le second cas la résilience est entendue comme la capacité d’une société à accepter la catastrophe, la perturbation, avec pour objectif d’en réduire l’impact.

Une stratégie fondée sur la résistance concentre les moyens dans la prévention alors qu’une stratégie fondée sur l’acceptation du risque concentre les moyens sur le rétablissement de la situation et sur la limitation des dégâts et des conséquences. Une véritable stratégie de résilience vise, non pas à s’opposer à l’aléa comme cela peut être fait dans certains domaines, mais vise à en limiter les effets.

Ainsi la capacité d’un système social à s’adapter à des perturbations internes ou externes dépend de deux choses : d’une part de l’importance de l’aléa envisagé, car il est évident que si l’aléa envisagé conduit à la destruction du système, toute stratégie de résilience est vaine, et, d’autre part, elle dépend de la stratégie mise en place afin d’anticiper l’impact d’un choc. Une société qui connait les risques pesant sur elle, qui en connait par la même les conséquences et qui tire la leçon des perturbations passées, sera mieux à même de se redresser qu’une société n’ayant pas envisagé une telle hypothèse. Si, durant les XVIIIe, XIXe et XXe siècles, la capacité d’un système social à résister à des perturbations s’illustrait par le patriotisme (capacité d’une nation à s’unir suite à un choc), aujourd’hui, les Etats doivent trouver d’autres moyens pour assurer leur pérennité d’où l’intérêt croissant des politiques pour ces questions de résilience.

[1] Défense et Sécurité Nationale le livre Blanc, Paris, La documentation française, 2008, p. 64.

[2] Dauphiné André et Provitolo Damienne, « La résilience : un concept pour la gestion des risques », Annales de géographie, 2007/2 n° 654, p. 115-125.

[3] Les deux auteurs prennent ici l’exemple des colonies d’insectes (fourmis) qui arrivent parfaitement à se reconstruire lors de la destruction de leur habitat.

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